En 1995, Radio-Canada tourne un reportage sur la Slovaquie. Pourquoi? Nous sommes en année référendaire, alors l’organe de propagande décide « d’analyser » le cas de la Slovaquie, indépendante depuis 1993. Voici le message : depuis qu’elle ne forme plus un pays avec la République tchèque, la Slovaquie, plus petite et moins riche, connaît des difficultés économiques. Le narratif est clair : « Québécois, ayez peur de la “séparation”; voyez les Slovaques qui, comme vous, sont plus petits et moins riches que leur voisin; voyez comment l’indépendance est difficile pour eux. Soyez prudents, restez dans le Canada. »
Ensuite, il sera possible de pousser la sempiternelle propagande voulant que « l’union fait la force », alors qu’aucune donnée économique ne démontre que les grands pays sont plus riches. En fait, en 2022, parmi les dix pays les plus riches à l’ONU, deux ont une population équivalente à celle du Québec et sept sont plus petits, selon le PIB par habitant en parité des pouvoirs d’achat (PPA). Ceci n’est pas la démonstration qu’une petite taille égale automatiquement plus de richesse, mais c’est une façon de déconstruire la peur insinuant qu’un petit pays est synonyme d’appauvrissement.
Alors, qu’en est-il des faits avec la Slovaquie? Après le référendum, Jacques Parizeau reçoit les données économiques pour la Slovaquie. Constat : ce pays connaît une croissance si forte qu’on se demande si elle est soutenable! Cela, on n’en entendra toutefois plus parler à Radio-Canada… La job de bras était faite, le régime canadien s’était maintenu une fois de plus en violant les règles du jeu.
La réalité, c’est que l’économie de la Slovaquie a connu une croissance plus forte que sa voisine depuis son indépendance. Selon les données de la Banque mondiale, la croissance moyenne du PIB par habitant PPA fut de 6 % entre 1992 et 2019, contre 4,9 % pour les Tchèques. Sur l’ensemble de la période, il s’agit d’une croissance de 377 % pour la République slovaque contre 261 % pour la République tchèque.
De notre côté de l’Atlantique, que s’est-il passé entre 1995 et 2019? Selon les données de Statistique Canada, la croissance moyenne du PIB par habitant a été de 3,3 %, tant pour le Québec que pour le Canada (sans le Québec). Les inégalités de richesse se sont donc maintenues depuis 1995, comme si elles étaient intrinsèques à la structure économique canadienne.
Est-ce que cet écart aurait diminué si le Québec avait été indépendant à l’instar de la Slovaquie? C’est fort probable avec tout l’engouement qui vient avec la création d’un nouvel État et la maîtrise de notre propre politique économique, mais nous ne le saurons jamais. Nous ne pouvons pas refaire le passé, mais nous avons le pouvoir de créer notre futur dès maintenant en travaillant à la réalisation du Québec indépendant.
Jean-Michel Goulet, économiste M. Sc.
21 mai 2021