
En 2022, l’économiste Nicolas Marceau a publié un livre important au sujet de l’économie du Québec indépendant : Une fois le Québec souverain. L’auteur a consacré une trentaine de pages intitulées « Annexe : La monnaie d’un Québec souverain » où il analyse cinq options pour notre future politique monétaire. Historiquement, les leaders du mouvement indépendantiste ont préconisé l’usage du dollar canadien, mais l’analyse de Marceau nous donne un nouvel éclairage qui culmine sur la création de la monnaie québécoise.
Je vous encourage à emprunter le livre dans votre bibliothèque ou à l’acheter, mais déjà je vous partage quelques extraits de ma lecture.
La dynamique économique du Québec a changé :
- Changement #1 : le mal hollandais est apparu au Canada. En résumé, il s’agit d’un phénomène où les exportations des ressources naturelles d’un pays font monter la valeur de sa monnaie, ce qui nuit à ses exportations manufacturières, car elle deviennent plus chères pour les acheteurs extérieurs. Avec la montée des exportations fossiles du Canada, le Québec a perdu des dizaines de milliers d’emplois manufacturiers.
- Changement #2 : les crises financières plus fréquentes nécessitent plus d’interventions des banques centrales. Disposer d’une banque centrale en mesure d’agir en tant que prêteur de dernier recours devient de plus en plus important.
- Changement #3 : la naissance de nouvelles monnaies et banques centrales. Entre 1989 et 2014, 28 nouvelles banques centrales et monnaies ont été créées. Toutes ces nouvelles monnaies et banques centrales l’ont été dans des pays moins prospères que le Québec. Dans le cas de l’Estonie par exemple, la création de sa monnaie a été présentée comme un succès par le FMI. Si des pays moins développés que le nôtre y parviennent, c’est difficile d’argumenter contre le succès du Québec indépendant. De plus, pour un peuple riche tel l’Écosse, The Economist a déjà estimé que la meilleure option était pour elle de créer sa propre monnaie si elle réalisait son indépendance.
Après avoir exposé les raisons qui expliquent le changement de la dynamique économique pour le Québec au cours des dernières décennies, Marceau y va d’une analyse détaillée de cinq options monétaires pour le Québec Indépendant :
- Dollar canadien et Union monétaire informelle
- Dollar canadien et Accord d’union monétaire
- Dollar américain et Union monétaire informelle
- Monnaie québécoise et Taux de change fixe
- Monnaie québécoise et Taux de change flottant
Ensuite, il évalue le fruit de sa réflexion dans le tableau suivant :


Finalement, l’économiste tranche et il estime que la meilleure option pour le Québec indépendant sera de créer sa propre monnaie. Il propose une stratégie en trois étapes pour y parvenir une fois le Québec souverain :
- Étape #1 : au moment de devenir indépendant, le Québec conserverait le dollar canadien avec une union monétaire informelle. Cette période pourrait durer quelques années, le temps de bien exécuter la transition du statut de province à celui de pays, et pour bien préparer la deuxième étape.
- Étape #2 : création de la nouvelle monnaie québécoise et de la Banque centrale du Québec. Au départ, la monnaie québécoise serait liée à une monnaie forte dans le cadre d’un régime de taux de change fixe, probablement le dollar américain en raison de nos échanges importants avec notre voisin du sud. Nos cycles économiques sont également bien synchronisés.
- Étape #3 : fin du régime de taux de change fixe et début du taux de change flottant pour la monnaie québécoise. À ce stade, le Québec indépendant pourrait bénéficier de toute la souplesse d’une politique monétaire adaptée à sa propre réalité et il disposerait d’un prêteur de dernier recours.
L’enseignant universitaire termine son analyse monétaire ainsi : « Avec un tel positionnement, le mouvement souverainiste offrirait aux Québécois une véritable alternative au coûteux statu quo actuel dans lequel nous devons accepter de vivre avec une politique monétaire trop souvent conçue en fonction de l’économie pétrolière canadienne, à notre détriment. Qui plus est, la possibilité pour le Québec d’avoir sa propre monnaie, sa propre banque centrale, sa propre politique monétaire et son propre prêteur de dernier recours, cela s’ajoute aux nombreux arguments en faveur de la souveraineté. »
Jean-Michel Goulet, économiste M. Sc.
23 novembre 2024